Samedi 03/03/2001, Hotel la Ermita, Vinales

"Sur la mer des Antilles que l'on appelle aussi Caraïbe

fouettée de lourdes vagues et ornée d'écumes légères,

sous le soleil qui la harcèle et le vent qui la repousse,

chantant à chaudes larmes Cuba navigue sur sa carte :

un long lézard vert, aux yeux de pierre et d'eau."

Nicolás Guillén 1958 

 

Malgré le décalage horaire (6h), la nuit a été bonne. Nous nous éveillons aux alentours de 7h et après une brève toilette, regagnons la voiture et traversons La Havane pour récupérer l’Autopista Nacional, la seule autoroute de l’île. Elle relie la capitale à la ville de Pinar del Rio située à l’extrémité est du pays. Pour une fois, nous trouvons sans encombre notre chemin et slalomons entre Ladas et autres Chevrolets 1950, réminiscences d’un passé politique mouvementé ... Nous atteignons finalement cette langue de béton rectiligne et quasi désertique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les véhicules ne sont pas légion ici à Cuba, et il n’est pas évident de respecter les limitations de vitesse au volant de notre bolide. Il est vrai que nous sommes en pleine « période spéciale ». Les restrictions sur l’essence et les biens de consommation battent leur plein et la vie quotidienne des cubains s’apparente à un vrai parcours du combattant où seuls tirent leur épingle du jeu les plus débrouillards. Il est particulièrement impressionnant d’observer le grand nombre d’auto-stoppeurs qui bordent les voies à hauteur des différentes sorties. Malgré cela, le long de la route, très régulièrement, des messages idéologiques viennent troubler notre écoute des derniers hits latinos qui passent sur les ondes des radios FM made in Florida : « La révolution ou la mort », « Notre force : les idées » et autres « Vive Cuba libre, nous vaincrons », bref que du solide ...

Au Km 46, nous décidons de bifurquer en direction du complexe d’écotourisme de Las Terazas. Après avoir payé une somme modique à l’entrée, nombreuses attractions et autres ballades s’offrent aux amateurs de nature. Nous débutons la visite par le Cafetal Buenavista, ancienne plantation de café créée par un français chassé d’Haïti au début du 19éme siècle. On peut notamment y admirer une impressionnante machine à moudre le café. Les anciens baraquements d’esclaves sont disséminés dans la nature. Une légère brise caresse la végétation luxuriante ou s’époumone une faune exotique. Nous longeons à travers bois une petite rivière fort sympathique, lieu de baignade apprécié des cubains qui s’y réunissent en famille le week-end et y organisent des pique-niques. Après avoir traversé une forêt de bambous au milieu d’inquiétants grincements, nous poussons l’escapade à travers la dense végétation jusqu’aux ruines d’une ancienne plantation de café. Ses arcades envahies par les lianes nous plonge dans une étrange atmosphère mêlant mystère et sérénité. Laure a repris de volant de l’Audi. Les paysages traversés sont magnifiques, le relief escarpé abrite une végétation dense à perte de vue. Loin d’en être rassasié, nous effectuons alors la ballade dite « du chemin de l’enfer » (Canada del infierno ). Elle mène jusqu’au pied d’une belle chute d’eau où s’agitent une nuée de gamins braillards.

Après nous être « désaltérés » d’un cola à la sauce cubaine (je n’ose vous en décrire le goût), nous nous engageons vers le sentier dit du « Mirador », qui jouit d’un superbe point de vue sur la région. La montée à travers les sous bois est abrupte. Après une légère courbe, Laure croit déceler dans les branchages un énorme vautour sensé nous barrer la route. Après vérification, il s’agit en fait d’un tinosas, oiseau assez commun sur l’île. Mais il n’en reste pas moins impressionnant par son envergure qu’il nous fera admirer lorsque je taperais dans mes mains pour nous ouvrir la route. Arrivés en haut, la vue est réellement splendide : la Sierra del Rosario nous fait face. Sur le rocher, nous croisons un paysan à qui j’achète une noix de coco très désaltérante. Après avoir échangés quelques mots dans un espagnol de cuisine (pas des plus raffiné d’ailleurs), il nous immortalisera devant le panorama qu’offre la vallée de Soroa. Après quelques centaines de mètres sur le chemin du retour, Laure me demande où sont passées mes lunettes ...En quelques secondes je réalise : je les ai oubliées en haut après les avoir ôtées pour la photo ... Je laisse mon sac à Laure et me précipite à nouveau vers le sommet de la colline. Là, un groupe de jeunes cubains a investi les lieux et entame un pique nique ! Ils n’ont rien vu et pour tout arranger, je ne me souviens plus où je les ai posées. Après plus d’un quart d’heure de recherche infructueuse, je fais à regret le deuil de mes lunettes et rebrousse chemin vers le village lorsque j’entends une voix qui m’appelle : un jeune noir à la bouille ronde brandit mes lunettes : Il les a retrouvé... Je le remercie chaleureusement et nous pouvons reprendre notre route.

Nous récupérons l’autoroute jusqu'à Pinar del Rio où nous bifurquons vers Vinales. Vinales est une petite bourgade de 3000 âmes typiquement cubaine, blottie au pieds d’une magnifique vallée parsemée de Mogotes, ces fameuses formations calcaires en forme de « meules » qui font le charme de la région. Cette vallée est également le centre de la production cubaine de tabac. Nous nous dirigeons tranquillement vers l’hôtel Los Jazmines. Mais une fois arrivés à la réception, on nous informe que notre réservation est en fait à l’hôtel La Ermita situé à 3 Km de là. Soit, nous rebroussons chemin et prenons au passage un employé en stop qui nous dirigera jusqu’à l’hôtel. Celui-ci est confortable et offre un très joli panorama sur la vallée et ses curiosités géologiques. Une fois installés, nous décidons de nous prélasser quelques temps autour de la piscine. Mais le ciel est de plus en plus couvert et l’eau trop froide pour moi. Je me contenterai de regarder Laure barboter. Le spectacle du coucher de soleil sur les reliefs calcaires qui parsèment la vallée est fascinant.

Mais il est temps de prendre un premier contact avec la cuisine Cubana. Il est près de 19h, la nuit est en train de tomber et nous décidons de nous rendre à pied au village situé à quelques kilomètres de l’hôtel. Très vite, l’obscurité nous entoure de son manteau et de peur de nous perdre, nous préférons rebrousser chemin pour nous rendre à Vinales en voiture, tout phare dehors. Nous nous parquons aux abords de la place du village, non sans avoir été sollicités par quelques rabatteurs, ceux qu’on appelle les Jineteros et qui vivent des quelques dollars glanés en commission auprès des restaurants où autres pensions conseillées aux touristes. Nous tenons bon direction la « Casa de Don Tomas ». C’est une ancienne maison coloniale transformée en restaurant d’état et dotée d’un agréable jardin ou nous nous installons en terrasse au son d’un petit orchestre de musique locale. Nous avons l’imprudence de commander la spécialité du lieu : « La Delicia de Don Tomas », une inqualifiable bouillie à base de riz porc, poisson et chorizo (c’est du moins ce que j’ai cru reconnaître) et que Laure laissera presque entièrement ! Heureusement, nous agrémentons le repas de quelques cocktails cubains à base de Rhum. Je déguste le fameux Mojito, mélange de citron vert, menthe sucre, soda et rhum et Laure siffle un Mary Pickford (ananas, grenadine, soda et rhum). De retour à l’hôtel, je zappe en vain à la recherche des images du 1er Grand Prix de F1 de la saison. En vain. Ici le sport roi est ce que les américains appellent « National Passtime » et que les cubains nomment bésbol, curieux paradoxe. Malgré les propositions mirifiques des ligues nord américaines, peu de joueurs cubains ont quitté le pays, appâtés par les gains substantiels d’une carrière pro, et l’équipe nationale reste l’orgueil de la nation. Sur ces considérations sportivo-politico-économique, je tombe de sommeil ...


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