Vendredi 11 octobre 2002, Chicanna Ecovillage Resort, Chicanna

« Aux poètes et aux artistes mexicains qui ont le privilège d’exprimer le lieu du monde où la nature est la plus ardente et de traduire l’un des plus hauts efforts historiques de l’homme pour plus de conscience et de liberté, j’adresse mon salut fraternel et j’adresse ma joie d’aller surprendre à son origine même le secret de son génie. »

André Breton


Une longue route nous attend aujourd’hui. Peut-être est-ce pourquoi Laure est si matinale. Nous quittons de bon matin notre hôtel à la recherche de la poste de Palenque. Notre guide indique qu’elle ouvre à 8h, mais arrivés devant la porte, nous découvrons que le service ne débute qu’à 9h. Soit ! Nous nous attablons à la terrasse du café Te Hel, qui propose un expresso bio bien corsé. En face, la devanture d’une pâtisserie locale attire notre œil. Mais, lorsque nous nous déplaçons, le spectacle de multiples insectes qui gambadent au milieu des gâteaux malgré le plastique de protection a tôt fait de nous dégoûter. Nous postons nos lettres et nous engageons sur la route Mex 186 en direction d’Escargesa et de Chetumal. Par chance, cette route est roulante et nous avalons les kilomètres à une moyenne correcte malgré les poids lourds et les « topes ». A une dizaine de kilomètres de Chicanna, nous stoppons notre véhicule à Balamku, site maya découvert il y a environ dix ans. A peine mettons nous le pied dehors, que nous sommes assaillis par de féroces moustiques. Le temps de sortir les répulsifs et ils auront frappé ! Il faut avouer que cela gâche un peu le plaisir d’entendre ce bourdonnement incessant autour de nous. Le site est surtout célèbre pour la frise des quatre rois, se trouvant à l’intérieur du temple, dans une salle fermée à clé. Le décor sculpté est remarquablement conservé. Certains éléments polychromes sont encore visibles. D’inquiétants masques et d’étranges animaux sont représentés dans une même scène assez tarabiscotée. Nous repartons sans trop traîner pour échapper à la furie de moustiques.

La route est désormais assez traître. Bien que rectiligne et roulante, son revêtement est constitué de profonds trous, pas toujours très visibles. A l’entrée d’un virage à gauche, une voiture de police est arrêtée sur le bas côté, tous gyrophares dehors. Je ralentis et aperçois un camion renversé qui obstrue le passage. La remorque est complètement détruite. Des hommes sont en train de manœuvrer pour le redresser. Comme cette opération risque de prendre beaucoup de temps, j’envoie Laure en éclaireuse, qui après avoir sondé le bas côté, me fait signe d’avancer, sous le regard ahuri des mexicains. La route est surélevée de trente bons centimètres et le pari de pouvoir passer n’est pas gagné. Mais, cette voiture se faufile décidément partout ! Nous pouvons maintenant filer vers les sites du Rio Bec. A Chicanna, nous bifurquons vers l’Ecovillage resort pour déposer nos affaires, avant de repartir pour Xpujil. Nous nous arrêtons devant une gargote locale, une taquerilla qui ne fait pas de tacos ! Ce sera pollo frito y bistec a l’americana, et c’est plutôt bon. Le ventre plein, nous pouvons commencer la visite de Becan. Situé entre le Yucatan et le Peten, ce site était le centre politique d’importance du Rio Bec. Un grand fossé rempli d’eau entoure la ville depuis le I er siècle, signe d’inimité avec les cités voisines. Une convention de travailleurs sociaux de la région se tient sur le site. Un groupe d’hommes en panama est regroupé sur la pelouse qui fait face aux édifices. Nous contournons cette agitation, escaladons la pyramide principale et passons par un couloir de 66m de long, qui mène vers la plus haute pyramide du site (52m de haut !). Si vous avez le vertige, abstenez vous ! En plus, nous sommes surpris par un orage. Nous avons juste le temps de descendre pour nous mettre à l’abri. Alors que nous sommes sortis du site, qui vient juste de fermer, et que je m’apprête à prendre le volant, je remarque un détail inquiétant : je n’ai plus mes lunettes sur le nez. Je les ai retirées pour une photo et elles ont du rester en haut de la pyramide. Laure, en mal d’exercices, part dans une course infernale en direction du site à la recherche du précieux objet. Elle entreprend un seconde ascension de la grande pyramide, avant de brandir le trophée : mes lunettes étaient bien là ! Bref, elle n’aura pas volé son plongeon dans la minuscule piscine de l’hôtel.

J’écris ces quelques lignes de l’agréable, quoique rustique, lodge du resort. Vers les 20h30, nous irons dîner au bon, mais cher, restaurant de l’hôtel. 

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