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21/09/2001, Aéroport
Charles de Gaulle, Paris
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«Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même. On ouvre un atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magnifiques des villes inconnues... » Joseph Kessel, La vallée des Rubis Un soleil prometteur illumine Paris en cette première matinée de l’automne 2001. L’improbable clarté du ciel ne peut néanmoins nous faire oublier qu’il y a tout juste 10 jours, l’impensable se produisait à la pointe sud de Manhattan. C’est donc dans une atmosphère pesante que nous gagnons l’aéroport de Roissy. Pour faire face à d’éventuelles attaques terroristes, le plan « Vigie pirate » a été rétabli sur tout le territoire et nous préférons arriver plus tôt que prévu à l’aérogare. Nous enregistrons au comptoir de la Thaï près de trois heures avant le décollage, dont l’horaire sera pour une fois quasiment respecté. Un léger contretemps nous fera néanmoins perdre un bon quart d’heure lorsqu’un passager asiatique sera expulsé de l’avion « manu militari », menottes aux poignets, par un groupe de policier sans plus d’explications. Une inquiétante entrée en matière... Mais le vol s’avérera sans problèmes, grâce à un équipage sympathique et un service de qualité. Le 747 abordant l’orchidée royal nous mène donc sans encombres à Bangkok où nous atterrissons à 6h15, soit 11h30 après notre décollage. « Krung Thep », la citée des anges, mégalopole tentaculaire, est baignée dans la brume et arrosée d’une pluie battante, caractéristique des fins de moussons. En attendant notre correspondance pour Yangon, nous déambulons dans les galeries commerçantes de l’aéroport où s’étalent produits de luxe et babioles pour touristes. N’ayant que très peu dormi entre Paris et Bangkok, j’ai un gros coup de barre sur le trajet vers la capitale birmane. L’avion est à moitié vide et mon manque de lucidité me fait avaler en vitesse un menu spécial « Seafood », servi exclusivement pour nous par l’équipage cérémonieux, sous les yeux ébahis de nos voisins chinois auxquels il aurait du être destiné ! Nous atterrissons comme prévu à 9h30 exactes et un bus archaïque nous transporte jusqu’aux services d’immigration. Ayant réussi à obtenir un visa « Packaged Tour », nous sommes dispensés de changer les 200 $ exigés par l’état Birman comme gage d’un minimum de dépenses sur son territoire. Après avoir récupéré nos valises dans le hall vieillot de l’aérogare, on inspecte rapidement nos bagages lors du passage à la douane. Voilà, Rangoon s’offre désormais à nous. Une navette nous conduit jusqu'à notre hôtel, le Thamada, situé dans un immeuble impersonnel, au centre ville à deux pas de l’ancien Scott Market. Sur le trajet, nous sommes surpris par l’abondante végétation qui borde les avenues de la ville. Le chauffeur nous indique que Yangon jouit d’un climat particulièrement favorable pour les végétaux et que tout y pousse ! A peine le temps de déposer nos affaires dans la chambre d’hôtel que nous voici projetés dans les rues de la capitale birmane, direction le centre ville. Celui-ci a conservé les traces de son passé britannique. Ce sont en effet les anglais qui firent de ce port, haut lieu de pèlerinage bouddhique, leur capitale en 1825. Des immeubles coloniaux aux tons pastels laissent envahir leur façades délabrées par d’exotiques plantes grimpantes. L’activité qui règne ici est caractéristique des capitales asiatiques. Mais on sent planer dans l’air une certaine douceur de vivre qui rend la ville d’amblé sympathique et vivable pour un visiteur européen. Il est amusant de noter que la quasi totalité des gens se promènent en longyi, sorte de jupe longue serrée à la taille. Porté indifféremment par les hommes et les femmes, seuls les tissus différent, les hommes préférant des motifs écossais aux couleurs sobres. Il est de toutes façon difficile de trouver la moindre forme d’occidentalisation dans les habitudes et les comportements des locaux. Nos premiers pas nous conduisent à la Paya Sule, pagode centrale où aiment se retrouver les habitants de la ville. Le temps est plus que menaçant et de grosses gouttes éparses commencent à tomber du ciel nuageux. Nous trouvons refuge sous les arcades des murs circulaires de la pagode qui abritent toute sorte de petits métiers : astrologues, sculpteurs, photographes. L’averse n’a été que passagère et nous pouvons entreprendre la visite du lieu saint. Comme dans tous les lieux bouddhistes du Myanmar, il faut se déchausser avant d’entrer. Et pas question de garder les chaussettes ! De toutes façon, dites vous bien qu’un voyage en Birmanie est une épreuve pour nos pied d’occidentaux ! Nous montons les escaliers, puis faisons le tour du dôme doré en forme de cloche qui trône au milieu de l’édifice. Le style architectural flirte avec le kitsch, mais la profusion de figurines étranges qui ornent la pagode ainsi que l’ambiance qui s’en dégage valent le déplacement. Nous nous dirigeons désormais vers le cœur du vieux Rangoon. Devant l’hôtel de ville en brique rouge, construit dans le plus pur style britannique, s’entassent dans un vieux bus, des dizaines de birmans. Ça et là, les façades défraîchies des anciens bâtiments coloniaux semblent figés dans le temps comme autant d’aberration sous de telles latitudes. Les avenues sont larges et ombragées et le trafic acceptable en ce dimanche chômé. A la différences des villes indiennes, nous pouvons déambuler selon nos envies sans être importunés par qui que ce soit. Il est néanmoins difficile de passer inaperçu, mais les gens se bornent à nous sourirent simplement ou à nous adresser de petits signes amicaux. A la pointe Sud est de la ville, sur les berges du fleuve Yangon, notre marche nous pousse jusqu'à la pagode Botataung (littéralement « des milles soldats »). La légende raconte que les reliques du bouddha qu’elle contient furent escortées jusqu'à Rangoon par une haie de mille soldats. Mais avant d’y parvenir nous sommes surpris par un violent orage. Un banian géant nous servira quelques temps de refuge, mais il s’avérera insuffisant malgré parapluies et K-Way ! Les éléments déchaînés ont pris possession des rues de la ville où coule désormais 20 cm d’eau. Nous voyant quelque peu désemparés, des birmans nous conduiront avec bienveillance vers la minuscule échoppe d’un marchand de thé ambulant où nous trouverons quelque répit sous l’éphémère toile cirée lui servant d’abri. Bilan des courses : mes chaussures en toile sont imbibées d’eau et mon pantalon est maculé de boue jusqu’aux cuisses. Je pense qu’il va falloir adopter une tenue plus adaptée à ce climat changeant. Nous pouvons enfin visiter la pagode Botataung, partiellement détruite par un bombardement allié en 1943. Pour nous remettre de nos émotions, nous nous asseyons à l’ombre d’un pavillon de prière et observons les birmans. Il est 15h et peu de gens osent braver le chaud soleil qui brille désormais de plein feu sur la ville ... A quelques mètres de là, l’embarcadère de fleuve Yangon redouble d’activité. D’énormes sacs sont charriés à dos d’homme des barges jusqu’aux remorques des camions. Nous reprenons notre marche direction le centre ville via Strand Road. La soif a commencée à gagner nos gosiers. Nous décidons donc de faire une halte chez Nilar Win’s, réputé pour faire les meilleurs yaourts à boire de ville ! Ils sont un peu trop compacts à mon goût, mais cela a le mérite de recharger nos batteries. Nous pouvons maintenant nous diriger vers le grand marché de Bogyoke Aung San en coupant par Chinatown. Le quartier chinois est rempli de marchands ambulants en tous genres et il est difficile de se frayer un chemin au travers de ses ruelles bondées. Nous parvenons fourbus à la grande halle qui abrite le marché Bogyoke. Après avoir traversé avec étonnement les stands de pierres précieuses où passent de mains en mains jades, rubis et autres diamants, nous débouchons dans le coin des vêtements et des tongs ! En prévision du climat capricieux qui nous attend, je décide d’investir dans un longyi aux motifs écossais et dans une paire de tongs birmanes. Laure fait quant à elle sensation en essayant un longyi que lui prépare avec l’aide d’une antique machine à coudre une vielle femme fumant le cheroot. Elle essaiera après maintes démonstrations de lui inculquer la difficile technique permettant de nouer ce vêtement en un tour de main (il y a un coup à prendre !). Voilà, il est 18h, et notre volonté de vivre à l’heure birmane nous impose de partir à la recherche d’un endroit où nous sustenter. Dans le quartier Indien en pleine ébullition, nous nous attablons dans la grande salle blanche du New Delhi Restaurant pour avaler un curry de poulet avec puris et chapatis. C’est simple mais bon et le prix est dérisoire. Il faut néanmoins avoir le cœur bien accroché pour observer nos voisins de table mélanger à pleines mains le contenu de leur assiette avant de l’ingurgiter de manière quasi bestiale. De retour à l’hôtel dans la moiteur de la nuit birmane, nous savourons une bonne douche après cette journée bien remplie. Déjà plus de 24h que nous avons quitté Paris, il est temps de dormir ... |
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