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Jeudi 03 octobre 2002, Hôtel Baluartes, Campeche « Nous sommes un peuple rituel. L’art de la fête, profané partout ailleurs, est demeuré intact chez nous » Octavio Paz, Le labyrinthe de la solitude Nous quittons aujourd’hui Merida et le Yucatán pour l’état voisin du Campeche. Le ciel est très brumeux ce matin. Nous voici donc embarqué sur la Nationale 180, le réservoir plein à rabord. Nous avons décidé de faire une étape au site chenes d’Edzná. A une vingtaine de kilomètres au sud de Mérida, je pile à l’embranchement indiquant San Bernardo . D’après notre guide, il y aurait une intéressante hacienda transformée en musée. Le village de San Bernardo est véritablement pittoresque. Des groupes de villageois sont rassemblés sous de grands arbres. Des dindons, des chèvres et des chiens obstruent notre passage. Une femme en tenue maya transporte un fardeau sur sa tête. Sur la place principale, une monumentale porte en fer forgé marque l’entrée de la propriété, mais elle est fermée. Un coup d’œil à ma montre ne m’incite guère à l’optimiste. Il n’est pas encore 9h et nous préférons de pas insister. Nous revoici sur la route 180, dépassant allègrement les rares camions qui l’arpentent. La monotonie du paysage nous fait manquer l’embranchement qui mène au site archéologique. Aussi, allons nous jusqu’à Campeche avant de prendre la direction d’Edzná. Une bonne cinquantaine de kilomètres en surplus. Les abords de la petite route qui mène à Edzná sont complètement inondés. Une colonie de hérons a élu domicile dans ces nouveaux marais. Nous arrivons enfin sur le site. Comme beaucoup de sites dits secondaires, il est fort peu fréquenté. Sur le registre, j’observe qu’il n’y a eu que trois visiteurs hier et que je suis le second aujourd’hui, il est 11h30 ! Le site Edzná présente un mélange très intéressant de styles chenes et puucs. Edzná signifie littéralement « la maison des masques » en langue maya. La ville connut son apogée du 6 éme au 9 éme siècle. La place principale est particulièrement impressionnante par ses dimensions magistrales. J’escalade les marches abruptes qui mènent jusqu’au 5 éme niveau du temple principal. La pierre blanche et calcaire a déjà emmagasinée pas mal de chaleur. Arrivés en haut, des membres de l’institut mexicain d’archéologie venus faire des vérifications quant à la bonne tenue des ruines suite au passage de l’ouragan Isidoro nous mettent en garde quand à la solidité des constructions. Nous restons de longues minutes à contempler les paysages alentours si insolemment verdoyants. Alors que nous entamons notre descente vers la terre ferme, je ne peux m’empêcher de m’imaginer dans la peau d’un souverain Maya haranguant la foule de ses sujets en liesse, du haut du temple sacrificiel ! De retour sur Campeche, nous traversons une colline où s’entassent sans logique apparente une nuée de minuscules lotissements fraîchement construits. Détail amusant, ils possèdent tous sur leur frêle toiture un énorme réservoir d’eau. Nous voici enfin en centre ville. Nous contournons les murailles de la cité, la seule sur la côte Pacifique a posséder de telles fortifications. Au 17 ème siècle, les attaques répétées des pirates ont obligé les autorités de la ville à réagir, pour construire ces fameux bastions qui font son originalité. Après nous être installés à l’hôtel Baluartes sur le Malecon, nous partons à l’abordage de la cité. Mais l’intensité du soleil nous convainc de faire une pause déjeuner. Nous nous installons au sympathique Restaurant del parque . La Marguerita accompagnera avantageusement les Calamars à l’ail et autres burritas qui nous seront servis. Après une halte sur les bancs du parque principal, j’utilise une cabine publique pour joindre la France et souhaiter un bon anniversaire à mon père. Puis, nous nous promenons au hasard des charmantes ruelles rectilignes de la ville fortifiée, classée au patrimoine de l’Unesco depuis 1999. La diversité des tons pastels est un enchantement pour les yeux. Il est surprenant de noter la hauteur des trottoirs véritablement impressionnante par rapport le niveau de la rue. Nous faisons le tour des anciens bastions, nous promenons à l’intérieur d’un petit jardin botanique renfermant des espèces endémiques et visitons le musée de la ville niché dans l’un des fortins. Là, le faciès des corsaires Rich Brasilero et Henry Morgan ne nous inspirent guère confiance. Alors que nous admirons le point de vue du haut de la terrasse, le ciel se noircit soudain dangereusement et éclate un violent orage. En un instant, un véritable déluge s’abat sur la ville. Il durera plus de 20mn, remplissant d’eau certaines ruelles. Je comprends mieux la hauteur des trottoirs ! Il est temps de retourner à l’hôtel pour se remettre de ces émotions. L’orage a désormais quitté la côte et c’est au large que se déchaînent les éléments dans une noirceur inquiétante. Nous profitons de cette accalmie pour prendre la voiture et longer le malecon en direction du Fuerte deSan Miguel, ancien bastion espagnol transformé en musée archéologique. La visite vaut le détour car le fort est superbement rénové et les pièces présentées sont vraiment dignes d’intérêt. Les masques funéraires en jade retiendront particulièrement mon attention pour leur caractère si expressif, tout comme les admirables statuettes d’argiles retrouvées sur l’Ile de Jaina à quelques dizaines de kilomètres au large de Campeche. A peine le temps d’écrire quelques pages de mon journal et de prendre une douche que Laure se découvre une petite faim. Nous nous rendons donc au restaurant Marganzo situé non loin de notre hôtel et réputé pour faire la part belle aux spécialités de la mer. Au menu, cocktail de crevettes à la sauce tomate, tacos frits au poisson et crevettes à la sauce piquante. Bien qu’assez touristique et donc loin d’être donné, l’endroit est agréable même si un peu surfait. Deux musiciens viendront nous susurrer à l’oreille une chanson romantique du cru « Pooorque te quierooooooo… » que Laure me rechantera toute la soirée ! Notre ballade digestive nous mène jusqu’au calme zocalo de la ville. Là, dans la maison de la culture, nous sommes attirés par le son d’une guitare. Dans l’agréable patio intérieur, nous nous affalons dans de confortables fauteuils en osier pour écouter un trio de troubadours campechinos : un régal ! En partant, nous sommes accostés par le responsable de la soirée qui nous fait gentiment visiter les lieux. De nombreux éléments décoratifs de la maison proviennent de France et il se fait un plaisir de nous les énumérer. Une petite promenade dans les ruelles faiblement éclairées par d’antiques lanternes nous permet de savourer les derniers instants passés à Campeche. Demain, une longue route nous attend pour rallier Villahermosa. |
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