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Mardi 08 octobre, Cafeteria del Centro, San Cristobal de Las Casas « Derniers survivants du plus grand désastre de l’humanité, les peuples indiens réfugiés dans les montagnes, ou cachés dans les profondeurs des forêts, continuent à nous donner l’image d’une fidélité absolue aux principes de liberté de solidarité et de rêve des anciennes civilisations préhispaniques » JMG Le Clézio, Le rêve mexicain Il fait particulièrement frais ce matin. Le thermomètre indique 14° ! Chaudement vêtu, nous nous dirigeons au point de rendez-vous pour la visite des villages Totzils. Là, nous embarquons dans la camionnette d’Alejandro. Nous sommes cinq, un couple allemand et une néo-zélandaise. Il est 9h30 et nous prenons la route de San Juan. Peuplé de 60 000 indiens, c’est le plus gros village des environs. Il faut un gros quart d’heure pour y arriver. Nous parquons la fourgonnette à proximité de la place centrale, avant d’entamer une marche sur les hauteurs du village. Il y a trois quartiers distincts. Le plus important est celui de San Juan, situé à l’est, là où le soleil se lève, et là où se trouve la montagne sacrée. Les indiens semblent être bien installés dans leur modeste habitation. Ils sont systématiquement vêtus du costume traditionnel et regroupés en communautés familiales. Nous observons leur habitat. Les murs de leur maison sont faits de boue séchée. Ils exploitent un petit lopin de terre nécessaire à la subsistance du clan pendant un an, où ils font pousser les fondamentaux que sont maïs, haricots et piments. Chaque habitation dispose de sa croix. Mais, à ma grande surprise, il ne s’agit pas de la croix catholique, mais de la croix maya, déjà présente plusieurs milliers d’années avant J-C chez cette civilisation. Elle se distingue de la croix que nous connaissons par le fait qu’elle ne soit jamais directement plantée dans le sol, mais toujours surélevée par un socle. Elle est ornée de branches symbolisant le ceiba ou fromager, l’arbre sacré des mayas, et est une porte de communication avec les éléments surnaturels. Nous sommes surpris de remarquer que sur presque chaque maison apparaît le sigle d’une boisson pétillante. Nous redescendons lentement vers l’église. Chemin faisant, nous passons devant le lieu de résidence des chamans, qui descendent des montagnes pour prodiguer leur science et soigner l’âme des malades. Chaque indien est associé à sa naissance à un alter ego divin (dieu du soleil, de la lune…). Son destin sera étroitement lié à celui de sa divinité. Dans ce village, il est formellement interdit de prendre des photos des indiens car ils risquent de perdre leur âme s’ils sont immortalisés sur une pellicule. Ici, à peine 20% des gens parlent espagnol. Notre guide salue les passants en langue Totzil, langue d’origine maya. Alors que nous nous apprêtons à rentrer dans l’église, une procession de pèlerins arrivent sur la place en musique et dans un concert de pétards. Quelle vision ! Ils sont vêtus de peau de mouton noir, d’un chapeau caractéristique et des rubans multicolores, dus à leur statut de chaman. Alors que de la musique est jouée en leur honneur, nous nous introduisons dans l’église. Le spectacle est encore plus hallucinant. Le sol est recouvert d’aiguilles de pin. Des milliers de bougie se consument dans des verres posés à même le sol. Des indiens agenouillés psalmodient des paroles sacrées. Chose étrange pour nous : ils viennent également à l’église avec des boissons gazeuses, bières ou sodas, qu’ils boivent par petites gorgées afin de pouvoir roter pour avoir l’énergie d’expulser le mal qui est en eux ! En priant San Juan Bautista, c’est le dieux maya du soleil qu’ils vénèrent. En sortant de l’église, nous observons les dignitaires boire leur soda avant de reprendre leur marche vers la place du marché. Je m’éclipse quelques instants pour prendre quelques clichés de l’église. Sur la place du marché, située juste derrière, des biens de consommation courante sont vendus par des femmes totzils dans leurs costumes traditionnels, haut en couleur. Elles tiennent leurs enfants dans leur dos à l’aide d’une sorte de large châle qu’elle noue autour d’elle. La statue de Jésus est également vénérée et bien que les espagnols aient essayés de transmettre aux indiens que c’était l’unique sacrifié de la race humaine, les sacrifices humains dans la communauté ont perduré longtemps après l’invasion espagnole. Nous quittons à présent le village de San Juan pour celui de Zinacatan. Nous faisons un petit tour du pueblo avec notre guide, visitons l’église, puis nous entrons dans une habitation traditionnelle. Nous sommes accueillis par une femme qui est en train de préparer la cuisine. Elle fait des tacos à base de farine de maïs noir. Elle nous en propose, que nous remplirons de fromage frais maison, saupoudré d’une étrange poudre safrané-poivré. C’est délicieux ! Nous arrosons le tout avec du Posh, un alcool de canne à sucre local à vous déboucher les chiottes ! Toute cette gentillesse n’est pas forcément spontanée car il s’agit d’une famille de tisserands qui propose son artisanat. Alors que la pluie commence à tomber et que la femme tisse dans sa cour malgré les hurlements d’un charmant cochinito nain, nous ne pouvons pas faire autrement que d’acheter une petite pièce de tissu brodé d’explosifs tournesols. En retournant à la fourgonnette, nous repassons par la place centrale, qui sert de cour de récréation aux écoliers. La cloche de l’école retentissant, les bambins en costumes traditionnels délaissent leur ballon pour se précipiter vers « l’escuola » en nous lançant des regards amusés. Ces moments resteront un temps fort de notre voyage. De retour à San Cristobal, une comida corrida à la « Cafeteria del centro » nous permet d’échanger nos impressions. Nous y retrouverons Alejandro qui y déjeune également. Le reste de l’après-midi sera pluvieux. Nous profitons d’une rare éclaircie pour aller acheter quelques dernières babioles au marché d’artisanat. La pluie ayant repris, nous ferons une halte prolongée au musée du café, où nous commandons d’excellents expressos. Nous souhaitons terminer la journée par une excursion jusqu’à l’église du cerro de San Cristobal, et ce malgré de gros nuages gris. Nous resterons bloqués à l’intérieur plus de vingt minutes. L’orage refusant de se calmer, nous le braverons hardiment. Les rues sont recouvertes d’une dizaine de centimètres d’eau en un rien de temps. Après une séance de séchage à l’hôtel, nous irons dîner chez Emiliano’s moustache. Au menu, les inévitables quesadillas burritos con pastor et des tacos de charro ricissimo. Aïe, mon régime ! |
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