29/10/2001, Pacific Hotel, Mandalay

« O Palais de Mandalay ! [...] combien d’heures nous avons erré ce jour là, égarés dans le dédale ensorcelé de tes galeries, de tes terrasses, de tes corridors sans fin, de tes cours secrètes, de tes salons plein de glaces ternies où flotte encore le parfum des royales épouses ... »

G.Fouquet, A pied à Birmanie


Nous faisons nos adieux à Bagan. Sur la route du rustique aéroport de Nyaung U, notre véhicule croise une longue file de moines partis en quête de leur repas. Nous embarquons à l’heure prévue pour Mandalay dans un petit ATR d’une compagnie locale. Le vol est très court et nous atterrissons à peine 30 minutes après le décollage. Le nouvel aéroport international de Mandalay est vraiment clinquant ! L’armée à expatriées les paysans de leur terres pour construire cette piste d’atterrissage flambante neuve au beau milieu du grenier à riz du pays. De là, il nous faudra près d’une heure de route sur un tronçon fort chargé pour atteindre les faubourgs de la ville. Le Pacific Hotel est en plein cœur de la cité. C’est un immeuble d’une dizaine d’étages aux standards internationaux. La ville est construite suivant le modèle impérial chinois. Ses rues forment un damier autour des fortifications qui entourent le palais royal. La frontière du Yunan n’est pas très loin et l’activité commerciale de la communauté chinoise à redonnée du tonus à cette cité autrefois moribonde. Mandalay est donc redevenue un centre d’importance pour le commerce en Birmanie.

Il est 10h30, le soleil voilé impose un ciel laiteux alors que nous commençons à parcourir les rues de la ville. Nos premiers pas nous mènent jusqu’aux ateliers où se fabriquent les feuilles d’or. Presque nus dans la touffeur du matin, des hommes aux tatouages inquiétants battent en cadence des petits morceaux d’or afin d’en faire des feuilles de 0,00016 millimètres d’épaisseur ! Ce sont ces feuilles que les pèlerins viendront apposer sur les représentations du bouddha afin d’acquérir des mérites. Après avoir renoncé à la visite d’un atelier de travail du bambou, faute de l’avoir trouvé, nous partons à la recherche d’un enseigne de développement photo. Celle préconisée par le Lonely Planet ne m’inspirant guère confiance, je préfère déposer une pellicule de test dans un laboratoire Kodak Express d’aspect plus moderne. Il fait chaud et j’ai soif. Aussi décidons nous de faire une halte dans une Maison de Thé. L’expérience vaut le détour. Pour commencer, le thé est à mon goût. C’est du thé au lait à l’indienne, très sucré mais sans les épices. En plus de cela, le préparateur a une gestuelle très spectaculaire pour préparer sa mixture. Il exécute de grands gestes avec une vitesse et une dextérité inouïe, mélangeant au thé noir du lait en poudre et du sucre. Nous avons commandé des petits amuses gueules pour accompagner le tout. Ils appellent cela Nam Bya, sorte de beignets plats au sucre que nous agrémentons d’un banana pancake gras à souhait.

Après cette halte, nous entreprenons de faire à pied le tour des murailles du palais de Mandalay. Construit par le roi Mindon à la fin du XIXéme siècle, ses fortifications sont très étendues et notre marche s’avère éreintante. Heureusement, le bord des douves est protégée du soleil par des arbres touffus. Lorsque nous arrivons au pied de la colline de Mandalay, nous descendons 1 litre d’eau chacun dans un bar plutôt glauque, avant de débuter la visite des temples de Kutodaw et Sandamani. Sandamani est une pagode constituée d’un ensemble harmonieux de stupas blanchis à la chaux. Tout autour de l’édifice, de nombreuses dalles de marbres portent des extraits du Tripitaka, écriture sainte du bouddhisme Theravada. La chaleur est telle sur les dalles blanches de la pagode, que je me brûle littéralement la plante des pieds ! A quelques pas de là se trouve la pagode Kutodaw surnommée « le plus grand livre du monde ». En effet, le stupa central de la pagode est entouré de 729 dalles contenant l’intégralité du Tripitaka. A raison de 8h quotidienne, il faudrait 450 jours à une personne pour lire ce livre. En passant par une entrée dérobée, nous réussissons à tromper la vigilance des gardiens : nous ne donnerons pas les 10 $ de droit d’entrée au gouvernement. Un moine avec qui j’échange quelques mots me confirme que cet argent est destiné à l’état birman dont il condamne les méthodes. Il m’encourage même à resquiller en me montrant les endroits à éviter pour échapper aux gardiens !

Difficile de rentrer sans payer au magnifique Kyaung Shwenandaw, « le monastère doré », seul vestige du palais de Mandalay ayant échappé aux bombardement alliée de 1945. Je suis réellement bluffé par la beauté du temple, fleuron des monastère birmans en bois. Le travail des sculpteur est impressionnant et à l’intérieur subsistent encore les traces des feuilles d’or qui recouvraient l’édifice à l’époque de sa splendeur. Il est 16h, il nous reste maintenant à entamer la montée vers le sommet de la colline. Alors que nous pensions que ce ne serait qu’une formalité, nos pieds souffrent terriblement et nos gosiers s’assèchent plus vite que prévu. A chaque temple ou terrasse à laquelle nous accédons s’ensuit une nouvelle ! Cela nous paraît interminable sur la fin et nous sommes soulagé d’arriver enfin à la terrasse supérieure où la vue sur Mandalay et les environs est remarquable. Le coucher de soleil sur l’Irrawaddy va valoir le détour bien que la vue soit partiellement gâchée par une vilaine construction moderne : honte à Novotel ! Il est intéressant de remarquer que Mandalay dispose d’un golf et que le parcours est fort fréquenté ! En fait le golf est le sport à la mode au sein des membres de la junte au pouvoir ...

Alors que nous observons la rivière et que le soleil est encore haut dans le ciel, je suis abordé par un groupe de jeunes birmans parmi lesquels quelques moines. D’après ce que je comprend, ils souhaitent que je leur parlent anglais afin qu’ils puissent se faire l’oreille ! Ils m’expliquent que les universités sont aujourd’hui payantes et qu’il n’ont pas les moyens d’apprendre des langues étrangères. Ainsi chaque soir, ils montent sur la colline et essaient de perfectionner leur anglais avec les rares touristes présents. Ils me questionnent sur mon parcours au Myanmar, sur ce que je fais en France, mes études, mon métier. Ils vont même jusqu'à me demander combien de $ je gagne par mois ! Ma réponse à l’air de les effarer mais je tempère leur émoi en leur demandant de relativiser cette somme en prenant compte du coût de la vie en France. Mon portait de la vie parisienne où l’on croule sous les taxes et le moindre achat est une ruine par rapport au Myanmar les fait franchement rigoler ! Notre petite discussion à durée plus d’une heure. L’un des jeunes moine m’invite à passer à son monastère afin que son maître m’offre une séance d’astrologie personnalisée. Alors que je prend congé de mes sympathiques collègues, le soleil a presque entièrement disparu derrière la rivière. Laure de son côté à fait connaissance de deux étudiants à l’alliance française cherchant à perfectionner leur maîtrise de la langue de Molière. L’un d’entre eux s’appelle Kyauw Kyauw (Jo Jo pour les français !), et nous lui exposons nos plans pour la journée de demain. Nous souhaitons nous rendre à Amarapura à vélo et visiter l’ancienne capitale royale du roi Mindon. Il propose alors de nous accompagner afin de nous montrer la meilleure route ainsi que les attractions qui la bordent. Banco, rendez vous est pris demain à 8h devant l’hôtel ! Pendant ce temps, nous redescendons péniblement les interminables escaliers de la colline. La nuit noire à envahie la ville.

Arrivés en bas, nous interrompons le repas d’un chauffeur de taxi afin de négocier le prix d’une éventuelle course. Mais le bonhomme est dur en affaire et nous devons nous résigner à accepter ses tarifs. Nous embarquons donc à bord de son taxi Mazda triporteur pour rejoindre notre hôtel dans la pénombre. A peine le temps de prendre un bain de pied et nous revoici sur la route dans la nuit de Mandalay à la recherche du restaurant Honey Garden, un chinois réputé pour son cadre bucolique. Il est extrêmement difficile de s’orienter dans l’obscurité des rues. Nous perdons notre chemin et sommes à deux doigts de renoncer afin de finalement le découvrir dans une sombre ruelle. C’est vrai que le cadre est agréable ! Nous sommes lovés dans un petit pavillon individuel et les serveurs sont au petits oignons pour nous. La cuisine est en plus d’assez bonne qualité : crevettes à la tomate, canard aux champignons, riz aux légumes et vermicelle frits ! Un peu beaucoup pour nos estomacs... Lassés de marcher, nous regagnons notre hôtel en trishaw, sorte de tricycle à pédale pouvant transporter 2 personnes assises dos à dos à côté du conducteur. Ceux-ci sont omniprésents dans les rues de Mandalay. Cela fait du bien aux pieds ! Et le conducteur n’ont pas l’air de trop souffrir. Nous réitérerons l’expérience.


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