« On ne peut disconvenir que Pe-king ne soit un chef d’œuvre de réalisation mystérieuse »

Victor Segalen, Stéles


Je jette un coup d’œil par le hublot. Les étendues désolées des steppes mongoles et du désert de Gobi s’offrent à mon regard, quelques 10 km plus bas. C’est très impressionnant ! Pendant près d’une heure, je ne puis détacher mon regard de ce spectacle, malgré la vive lumière du soleil qui pointe à l’horizon. Le 747 amorce désormais sa descente vers la capitale chinoise. Le plafond nuageux est bas et une épaisse brume à envahie la ville. Le commandant de bord posera l’appareil tout en douceur sous les « vivas » des passagers. Alors que nous descendons de la passerelle pour rejoindre un bus, nous sommes surpris par la fraîcheur du fond de l’air. Et dire que sur Internet, ils prévoyaient 20°C et un grand soleil … Après un court trajet, la navette nous débarque jusqu’au hall 8 de l’aéroport pékinois. Nous récupérerons très vite nos bagages. Lors d’un passage express au service de contrôle des visas, c’est à peine si l’on vérifie notre identité ! Une page semble bien s’être tournée ...

Afin d’avoir une réserve de liquidités, nous changeons quelques chèques de voyage en dollars contre une liasse de Yuan et nous dirigeons vers la sortie de l’aéroport à la recherche d’un taxi officiel. Faisant fi des sollicitation insistantes des chauffeurs non accrédités, nous franchissons la porte principale où une longue file de Citroën ZX rouge nous attend. Prévoyant, je sort de mon sac à dos l’adresse de notre hôtel écrite en mandarin. Cela provoque un petit attroupement, mais après quelques secondes d’hésitation, notre chauffeur nous fait signe de prendre place, l’air confiant.

Trente minutes plus tard, nous arrivons par la voie express à l’hôtel Lüsongyuan, installé dans une demeure traditionnelle, au cœur d’un quartier préservé du vieux Pékin. Notre chambre est fort romantique, elle possède un lit à baldaquin ainsi que du mobilier ancien dans le plus pure style chinois ! A peine le temps de poser nos bagages et nous voici dans la rue, sac à dos sur les épaules et carte à la main. Laure toujours aussi forte en orientation, me conduit à travers les rues rectilignes de Beijing jusqu’à notre première destination : le collège impérial.

Sous la dynastie Mings, ce lieu d’enseignement était l’endroit ou l’élite de la jeunesse mandchou recevait les préceptes des lettrés confucéens. L’endroit est calme, comparé au temple de Confucius qui jouxte le collège. Nous sommes samedi et en ce jour de week-end, les touristes chinois commencent à arriver en masse par groupes compacts, casquettes multicolores vissées sur la tête. Dans le jardin du temple, trône la statue du maître au milieu des glycines odorantes. Dans le pavillon principal, d’étranges idoles de « carton pâte » siègent au centre de la salle dans une inquiétante pénombre. Une musique lancinante s’élève de l’un des coins du pavillon. Un groupe local utilise d’ancestraux instruments pour produire ces sons caractéristiques de la musique chinoise.

Nous voilà au dehors, il est plus de 11h et nous décidons de faire une halte au « Mao Family restaurant ». L’entrée est kitsch à souhait. Une statue en plastique de Mao nous accueille et des photos noir et blanc du père de la révolution ornent la murs sombres du restaurant ! A peine sommes nous assis qu’une cohorte de jeunes serveuses en tunique de soie rouge nous entourent pour prendre notre commande. Au programme, ce sera porc braisé aux noix de cajou, nouilles de riz et asperges sautées. C’est très bon, mais beaucoup trop copieux pour nous. Laure s’essaie avec succès au mandarin en demandant l’addition : Maedan !

Nous reprenons la découverte de la ville par la visite du « Yonghe Gong », le temple des Lamas, ancien palais transformé au 18éme siècle en résidence de moines tibétains et l’un des plus pittoresque de la capitale. La porte monumentale de la lamaserie donne sur une large cours qui sert de parking aux cars de touristes. C’est vrai qu’il faut avoir du courage pour visiter les sites pékinois le week-end. Le bâtiment propose l’architecture typique de la dynastie Qing. Entièrement construits en bois, la plupart des édifices sont peints en rouge vif, la couleur chinoise par excellence, porteuse d’une symbolique très positive. Malgré la forte affluence, la visite du temple est instructive. Les cours intérieures sont ornées de brûle-parfum ou se consument d’impressionnantes quantités de bâtons d’encens, produisant d’odorantes fumées blanches. Malgré l’obscurité qui règne dans les pavillons, nous observons avec intérêt les symboliques du bouddhisme mahayana dont nous ne sommes pas encore familiers. Dans l’une des salles de méditation, trois bouddhas temporels s’alignent dans un clair obscure emprunt de sérénité. L’un représente le passé, l’autre le présent le dernier l’avenir. Dans un petit pavillon s’étale l’imposante carcasse du bouddha du bonheur, avec son sourire débonnaire et ses rondeurs de chair rose.

Mais la température a baissé de manière significative et je ne suis pas assez couvert. Aussi décidons nous de ne pas nous éterniser et de repasser à l’hôtel pour ajouter une couche de lainages. Le problème sera d’en repartir : Laure a un énorme coup de barre et tombe de sommeil ! Mais, pour se mettre dans le bon rythme, impossible de se coucher si tôt. Aussi, pour conjurer notre léthargie, hélons nous un taxi pour le temple de l’Intellectualisation. Au bout de quelques dizaines de mètres, la boîte de vitesse de notre véhicule rendra l’âme et nous devrons changer de machine en catastrophe. Nous arriverons néanmoins à bon port. Le temple de l’Intellectualisation est typique de l’architecture bouddhique chinoise. Il dispose d’un toit orné de tuiles bleues vernissés qui font son originalité. Ses murs intérieurs sont parés de statuettes de bouddha ainsi que de superbes peintures du 18éme siècle. Mais il est en rénovation ce qui ne nous permet pas de le visiter dans sa globalité.

A la sortie, nous nous attardons dans les quartiers alentours. Le dédale de ruelles sinueuses que nous offre l’endroit date de l’époque Mongole. Ces hutongs (allées), comme on les appelle, sont les derniers vestiges authentiques de la vie pékinoise. C’est ici qu’on retrouve les demeures traditionnelles où s’entêtassent plusieurs familles dans des conditions d’hygiènes souvent précaires. Après une longue marche, nous débouchons dans le cœur du Pékin commercial. Sur l’avenue Wangfujing s’alignent les buildings et les centres commerciaux ultra modernes. Nous sommes impressionnés par une telle débauche de biens de consommation. Alors que nous déambulons dans l’une de ces galeries flambantes neuves et que Laure est rivée sur la vitrine d’un magasin de vêtements aux influences sino-américains, je suis accostée par une étudiante chinoise qui cherche à lier la conversation avec moi. Me pensant esseulé dans la ville, elle semble un peu déçu lorsque Laure vient me rejoindre. Sur l’avenue noire de monde, une exposition des derniers modèles Peugeot fait un malheur. Les pékinois semblent s’enthousiasmer, non pas pour les lignes épurées des modèles présentés mais surtout pour les courbes avantageuses des jeunes filles qui posent en petite tenue auprès des véhicules.

Il est 17h, le temps s’assombrit, nous rentrons tranquillement à l’hôtel en passant par le marché de nuit qui se prépare et où l’on peut déguster des brochettes de scorpions et toutes autres douceurs ! Après 3 km de marche, nous arrivons enfin à l’hôtel, exténués, la pluie a commencé à tomber du ciel laiteux. Il est temps pour nous de reprendre des forces, je tombe de fatigue. Bonne nuit !

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