« Si ton rêve se réalise, c'est qu'il n’était pas assez beau »

Proverbe chinois


La nuit a été régénératrice. Vers 6h30, le contrôleuse, entichée d’une énorme casquette qui impose le respect, viendra frapper à notre porte pour réclamer les petites plaques métalliques correspondant à nos numéros de couchette. Il pleut ce matin sur Pékin. Lorsque nous arrivons à quai vers 7h30, il règne une ambiance survoltée à la gare centrale. Il y a tellement de monde qui fait la queue pour prendre un taxi, que nous préférons ruser et marcher quelques centaines de mètres pour en attraper un en dehors de la cohue. Mais, ceux-ci refusent obstinément de nous prendre. La trop grande proximité de notre hôtel leur laisse entrevoir une course trop peu juteuse. Soit, philosophes, nous prendrons le métro. La ligne circulaire est peu encombrée ce matin . Nous descendons à la station Andingmen. Là, après 20 mn de marche sous le parapluie, nous arrivons enfin à notre hôtel. Heureusement que nous n’avions que peu de bagages ! Il nous faudra encore patienter 20 mn pour que la chambre soit enfin prête. Pendant ce temps la pluie semble avoir cessé.

C’est le moment idéal pour louer des bicyclettes et découvrir la ville sur deux roues. Nos machines ne sont pas du dernier cri. Le pneu arrière de mon vélo est presque à plat et il n’a pas de pompe. Nous décidons de faire un tour dans la partie nord de Beijing que l’on appelle la ville Tartare. Faire du vélo à Pékin demande un certain doigté, surtout lorsque l’on ne possède pas de sonnette comme c’est mon cas. Certes, la moitié de la chaussée est dédiée aux deux roues, mais il faut être vigilants des éternels écarts, des piétons, des bus et des taxis, âmes sensibles s’abstenir ! C’est néanmoins un moyen de locomotion qui s’avère fort pratique pour avaler les longues distances de la capitale chinoise.

Nous débutons notre escapade par la visite le parc Behai, où nous montons jusqu’au Stupa blanc qui domine l’île aux émeraudes. La ville est enveloppée d’un doux manteau de brume blanche, qui rend l’endroit, ex lieu de villégiature impériale, assez triste. Nous enfourchons nos bicyclettes pour circuler dans les agréables allées de la ville tartare et nous rendre au palais du prince Gong, père de Pu Yi, le dernier empereur Qing. Il s’agit d’une agréable demeure au cœur d’un quartier des hutongs. On retrouve ici l’architecture caractéristique des Qing, mais ce sont surtout les jardins qui font l’intérêt de l’endroit. De petits lacs artificiels remplis de poissons rouges et un amoncellement de pierres à la chinoise jouxtent l’édifice principal. Ce n’est personnellement pas ma tasse de thé ! Nous reprenons ensuite les vélos pour nous balader à travers les hutongs.

Il est l’heure de déjeuner. A proximité des rives du lac Houhai, nous repérons un restaurant à l’ambiance cosy. Pour changer des gargotes de quartier, nous tentons notre chance. Seul petit souci, le menu est uniquement en chinois et le personnel ne parle pas un mot d’anglais. Après 15 mn de palabres inutiles, je choisis trois plats au hasard ainsi qu’un plat de riz (l’in des rares idéogrammes que je sais reconnaître). En attendant, on nous sert quelques amuses gueules.

C’est à ce moment précis que débutent nos inquiétudes. A peine ai-je mis à la bouche l’un des légumes servis en salade, que celle-ci prend littéralement feu ! Lorsque l’on nous amène le plat principal, je crois rêver. Moi qui croyais avoir commandé du poulet, je me trouve nez à nez avec un immense plat remplis de gros piments rouges coupés en deux. En cherchant bien, on trouve quelques minuscules bouts de poulet, ou plutôt, des os de poulet, mais des os minuscules (des pattes ?). J’avoue que je n’avais jamais vu cela. La créativité culinaire chinoise n’a visiblement pas de limites.

Nous reprenons nos vélos pour nous perdre dans les hutongs, ces coins du vieux Pékin préservé des bétonneuses, mais pour combien de temps encore ? Certes, la salubrité y est plus que précaire : certaines maisons n’ont pas l’eau courante, et lorsque l’on passe devant les toilettes publiques, mieux vaut se boucher le nez pour ne pas s’évanouir ! Mais s’y promener est un réel plaisir. On y décèle une véritable vie de quartier. Les vieux sont de sortie et jouent au ballon avec leurs petits enfants ou bavardent avec les voisins. Nous nous promenons une bonne heure dans le quartier de la tour de la cloche et de la tour du tambour. Quelque fois, les ruelles sont si étroites que nous devons mettre pied à terre ou même rebrousser chemin.

De retour à l’hôtel, nous faisons une petite pause qui me permet de jeter un bref coup d’œil sur le GP de F1 de Barcelone, mais en l’absence de suspense, nous rejoignons la station de métro la plus proche de l’hôtel pour nous rendre à Liluchang, le quartier des antiquaires, où une statuette Ming m’avait tapé dans l’œil la semaine dernière. Nous jetterons finalement notre dévolu pour 120 yuans sur une réplique de statue funéraire de l’époque Han. J’ai l’impression que c’est un peu cher payé, mais le commerçant aidé d’un jeune interprète français a pas mal manœuvré. Il nous dit être en affaire avec des antiquaires parisiens et pour le prouver nous brandit quels bouteilles de grand bordeaux d’un air enjoué ! Dans sa réserve au sous sol, il exhibe fièrement des originaux de statuettes funéraires découvertes dans les tombeaux des empereurs Ming et Qing. Je me demande dans quelle mesure leur vente est autorisée ...

Après cet achat, nous décidons de nous rendre sur la place Tiananmen pour humer l’atmosphère en cette fin d’après midi. Alors que le soleil est en train de tomber et que de jeunes soldats défilent au pas, les pékinois s’amusent avec leur cerf-volant. Certains sont si haut dans le ciel laiteux que l’on aperçoit juste une petite tache noire. Après les avoir observés, nous décidons de les imiter. Pour 20 yuans, nous devenons propriétaire d’un gros papillon orangé que nous essayons de faire voler malgré le faible vent. Laure y parviendra avec succès et recevra les félicitations des chinois. Dès que j’essaie de prendre les commandes de l’insecte planeur, celui-ci pique dangereusement du nez ! Heureusement que Laure rétablira la situation sous le regard amusé des passant. Mais il ne faut pas se tromper, l’ambiance reste assez policée. Des blindés de la police circulent et filment les faits et gestes de chacun, tout rassemblement étant considérés comme suspect.

Nous prenons notre dernier repas pékinois au « Food Mall » du centre commercial. Le ventre bien rempli, nous déambulons sur Wangfujing jusqu’au marché de nuit. Devant le refus de deux taxis de nous ramener à l’hôtel, nous rentrons à pied dans la douce nuit pékinoise.

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